Histoires de radio

Andorre:
La guerre des ondes et des antennes




Augmenter la portée des stations, Radio Andorre et Sud-Radio se sont livrés à une guerre assez cocasse.



Radio-Andorre 1939 :
Depuis le début des émissions, l'antenne était installée à 1650 mètres d'altitude en bordure du lac d'Engolaster. Elle était constituée d'un élément rayonnant tendus entre 2 pylônes. Le feeder descendait au milieu de l’espace situé entre les pylônes. La cabine d'adaptation est toujours visible.
Le plan d'eau du lac d'Engolaster constituait une conductivité idéale. Cette conductivité était encore renforcée par un immense treillis en cuivre.

1948 la guerre des ondes commence.
Outre le blocage des disques et du matériel radiophonique à la frontière, à plusieurs reprises la R.D.F. brouille les émissions de Radio Andorre.
Radio Andorre porte plainte contre le directeur général de la R.D.F. et réclame des dommages et intérêts. La station a fini par gagner en justice. 

La timide arrivée d'Andorradio :
Andorradio, la station de la SOFIRAD devenue Radio de Vallées était située dans le village d'Encamp à 1300 m d'altitude. L'antenne était placée à côté de l'émetteur : un simple pylône rayonnant haubané enclavé entre les montagnes. Les résultats sont désastreux. 

Radio-Andorre se modernise.
Face à l'arrivée d'un concurrent modernise son antenne historique qui était tendue entre le 2 pylônes.
Elle commence par construire un nouveau feeder supporté par 19 pylônes, ce qui lui permet d'augmenter la puissance et de faire l'acquisition et l'installation d'un nouvel émetteur O.M. de fabrication suisse Brown-Boveri d'une puissance de 400 kW. Ensuite, elle se lance dans est l'opération de grande envergure :
Une nuit, un des deux pylônes de plus de 125 m de haut est soulevé afin de glisser sous sa base un isolateur. Les haubans sont renforcés et équipés d'isolateurs résistants aux puissances futures.
L'ancien feeder est maintenu en place, si bien que l'émetteur disposait alors, pour quelque temps de deux antennes soit l'ancienne antenne horizontale soit l'antenne verticale.
Suite à l'augmentation de puissance, seule l'antenne constituée par le pylône rayonnant isolé à la base, fut utilisée. Le vieux feeder fut abandonné.
Le second pylône, qui n'avait plus de raison d'être fut baptisé « réflecteur ». En fait, il ne « réflectait » pas grand-chose, mais cela lui donnait une raison d'être et évitait un très coûteux démontage. Ce fut aussi un argument commercial. 

Radio de Vallées prend de la hauteur.
La Radio de Vallées veut dépasser sa rivale en installant un centre émetteur et une nouvelle antenne située le plus haut possible.
Le Pic Blanc (2650 m) était le seul sommet d'Andorre qui semblait pouvoir convenir : la route principale d'Andorre passait à proximité et permettait une installation plus commode. Le centre émetteur est construit dans un style architectural futuriste.
Pour l'antenne, le choix s'est porté sur une antenne en dipôle replié. Cela permettait d'utiliser un pylône de plus petite taille et de limiter le rayonnement vers le ciel qui constituait une puissance perdue. L'avenir nous dira que c'est très théorique ! 

Les contraintes internationales.
Sud Radio c'était autoattribuée le 818 kHz alors que cette fréquence appartenait, selon les traités internationaux à la Pologne et au Maroc. Ces deux pays voient d'un très mauvais œil la nouvelle implantation et l'augmentation de puissances de 100 à 300 kW qui vont créer des interférences pendant la nuit.
Lors des travaux préparatoires du nouveau plan de fréquences, la France (qui représente l'Andorre) était parvenue à garder la fréquence du 818 Khz à condition d'installer un réflecteur pour limiter la puissance émise vers le nord et le sud. Sur tous les projets de l'émetteur du Pic Blanc, le second pylône était dessiné, mais la station n'avait pas l'intention de la construire. 

Radio Andorre veut relever le défi.
En 1964, alors que la construction de l'émetteur de Radio des Vallées au Pic Blanc débute, Radio-Andorre se lance aussi dans un projet pharaonique.
On entame la construction d'une nouvelle antenne de l'autre côté du lac.
Un procédé d'antenne unique en Europe : 2 pylônes de 180 mètres constitués par deux éléments superposés utilisables séparément ou conjointement, télécommandés depuis le centre émetteur !
Le but était d'obtenir le meilleur rendement en contrôlant le rayonnement.
Le feeder devait passer dans un souterrain sous le lac.
Les antennes actuelles étaient vouées à la démolition et un hôtel ultramoderne devait être construit sur leur emplacement. 

Où est la Justice ?
Quelques mois plus tard, à Radio-Andorre, c'est la désillusion : La Justice ordonne l'arrêt immédiat des travaux dans l'attente du jugement sur le fond.
La plainte a été déposée par les Forces Hydroélectriques d'Andorra : « Il y avait des risques que le barrage du lac de se désintégrer par magnéto-friction », on parle aussi que « de risques pour la santé du gardien de la centrale ». Un grand n'importe quoi !
À cette époque, il est difficile de parler d indépendance » de la Justice à Andorre : 

- Nous avons un Co-Prince qui a son tribunal en France. 
- Des Experts EDF, la société d'électricité du pays du Co-Prince. 
- Ce Co-Prince est l’actionnaire de la radio concurrente. 
- La station concurrente est dirigée par un ami du Co-Prince. 

C'était mal barré pour Radio-Andorre ! À la SOFIRAD, qui est propriétaire de la Radio de Vallées, devenue SUD RADIO, on ricane et on parle volontiers de la « Farce » Hydroélectrique d'Andorre. 

À Sud Radio c'est aussi la désillusion.
Après avoir bien rigolé du malheur des autres, elle constate que le nouveau centre émetteur ne donne pas les résultats escomptés : la roche du Pic Blanc produisait des effets magnétiques qui dirigeaient les ondes vers le ciel.
Près de 40% de la puissance émise était perdue, les 300 kW ne suffisent pas !
On a même tenté de se trouver une meilleure terre en plaçant des kilomètres de câbles en cuivre pour rejoindre un lac, sans succès
Le couplage de l'émetteur de 300 kW avec l'ancien de 100 kW est un désastre, seule la note d'électricité augmente.
L'achat d'un nouvel émetteur est envisagé pour passer à 600 kW. La Pologne et le Maroc se plaignent, mais la SOFIRAD reste de marbre.  On passe à 600 kW et ensuite on couple les deux émetteurs pour obtenir 900 kW. 

Un second pylône au Pic Blanc.
L'augmentation de puissance de SUD RADIO est maintenant conditionnée par l'installation d'un réflecteur afin de réduire la diffusion vers le Maroc et la Pologne qui partage la fréquence de 819kHz : La SOFIRAD doit se conformer aux engagements pris.
Une obligation morale vis-à-vis de nos amis marocains par contre, en ce qui concerne la Pologne, nous sommes en pleine guerre froide. De plus le centre émetteur de Radio Varsovie sur 818 Khz abrite aussi un émetteur de brouillage qui rend inaudible Radio Europe Libre. 

Coup de poker de la SOFIRAD.
La SOFIRAD annonce l'installation d'un réflecteur, sans autres précisions. Le réflecteur réduit la puissance vers l'Espagne et le Maroc, mais augmente sa puissance vers la Pologne : Le réflecteur dirige les ondes vers 5° Nord.
SUD RADIO a renoncé à couvrir l'ouest, car la réception n'a jamais été satisfaisante : les ondes étaient atténuées par la Forêt des Landes. 

L'émetteur de brouillage polonais fait des émules.
En 1975, sort le nouveau plan international de fréquences. Monaco, qui est représentée par des personnalités de la SOFIRAD, a demandé la même fréquence que Radio-Andorre pour les émissions italiennes de RMC. Elle a obtenu le 702 Khz, sans la moindre contestation d'Andorre, qui y était représentée par… la France !
Un brouillage tout à fait légal, contrairement à celui de la Radio Diffusion française dans les années 40 ! 

Radio-Andorre gagne son procès.
Les années passent et plus de 10 ans plus tard Radio-Andorre gagne le procès : Il n'y avait aucun risque que le barrage du lac ne se désintègre par magnéto-friction, ni pour la santé du gardien du barrage !
Hélas la station n'a plus les moyens d'entreprendre les travaux. 

Le Govern d'Andorra prend la main.
En 1981, le Gouvernement andorran a la radiodiffusion dans ses attributions et ne doit plus subir des pressions de Co-Princes.
Le Gouvernement d'Andorre, impose son autorité. Au lieu de négocier de nouvelles licences d'émission lucratives et de toucher une partie des revenus publicitaires, il renonce d'accorder de nouvelles concessions à SUD RADIO et à RADIO-ANDORRE.  Ce sera la fin de Radio-Andorre.
Du côté français on était content de l'arrêt des émissions de Radio-Andorre, je dirais même que, de ce fait, SUD RADIO n'avait plus sa première raison d'être.
Pour sauver la face vis-à-vis d'Andorre, le Gouvernement français donne l'autorisation à Sud Radio d'émettre, mais sans publicité, depuis un émetteur de TDF situé en France.
Cela permettait à Sud Radio de continuer d'exister, à la France de ne pas perdre la face et à la SOFIRAD d'entamer des négociations en position de force. 

Le Govern d'Andorra et la SOFIRAD négocient. 

Des négociations, dont je n'ai pu voir les termes exacts, sont entreprises. L'accord portait sur la poursuite des émissions depuis le Pic Blanc pendant trois ans. Après cette période, les installations de SUD RADIO seraient données au Govern d'Andorra. La RTA a repris les studios. 

Une bonne affaire pour les uns.
L'important pour la France était qu'une nouvelle station francophone ne s'installe.
Cela permettait à la Sofirad d'être débarrassé d'un fardeau en quatre ans : le fonctionnement de l'émetteur était un gouffre dans ses finances, mais surtout plus d'entretien ni, de responsabilités et aucun frais de remise en état du site de l'émetteur fantôme ! La poursuite de la diffusion depuis l'Andorre jusqu'en 1984, permettait de jouer les prolongations et de passer en douceur du grand émetteur à de petits émetteurs ondes moyennes : Ce qui permettait d'arroser une plus grande zone avec un meilleur confort d'écoute, en réduisant les frais.
Dans le cadre de ce réseau, le Pic Blanc à lui aussi été équipé d'un petit émetteur. L'émetteur de grande puissance n'était en service qu'en cas de panne des autres émetteurs. 

La fin du pylône réflecteur du Pic Blanc.
Il se fait que le pylône réflecteur a été démonté par l'ancien propriétaire après l'avoir cédé ! On croit rêver, mais tout le monde était d'accord.  Pour SUD RADIO, le réflecteur perturbait le réseau synchroniser et pour Andorre, une éventuelle réutilisation serait destinée à couvrir l'Espagne, pardon la Catalogne, et non la France. 

Vingt ans plus tard, un client se pointe !
Le client n'était autre que la Generalitat de Catalunya qui souhaitait louer l'émetteur pour les besoins de la Corporació Catalana de Ràdio i Televisió afin de diffuser Catalunya Ràdio.
Catalunya Radio souhaitait disposer non seulement d'une licence pour le 819 kHz, mais aussi pour le 702 kHz.
Mieux, TDF réalise une étude pour transformer l'émetteur en émetteur DRM, analogique et numérique et durant l'été 2004, des tests de transmissions auraient même été réalisés.
La concession devait être signée entre la Corporació Catalana de Ràdio i Televisió et le Gouvernement d'Andorre fin 2004 et les émissions devaient débuter en 2005.  Le projet est tombé à l'eau . 

Entretenu pour une éventuelle réaffectation.
Au lieu de percevoir des revenus importants, depuis la fin des émissions en 1984, le Gouvernement d'Andorre entretient dans un parfait état les installations. C'est un travail remarquable, mais très coûteux. 

Un projet peu crédible est lancé !
Suite à un appel d'offre du Gouvernement, Il semble qu'un projet de transformation en centre médico sportif de haute-montage va voir le jour, mais on ne sait pas dans combien de décennies, car la concession a été donnée, pour 30 ans, à un groupement d'intérêt économique andorran qui ne disposerait d'aucun capital et fait appel au mécénat pour mener à bien ses projets !  Depuis cette date, le projet fait l'objet de nombreux recours juridiques et les travaux n'avance pas.

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Légendes des photos.

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J'ai réalisé de nombreuses photos au cours de ma carrière, d'autres m'ont été fournies par les radiodiffuseurs ou d'anciens collègues, que je remercie.
Si vous ne souhaitez pas qu'une photo soit publiée j'invite l'auteurs et la personne photographiée à me contacter par mail: michel chez fremy.be .